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Ce qu’il faut retenir du FLOP de la consultation sur le racisme systémique

Tout d’abord que les choses soient claires : à l’heure où je rédige cet article aucune décision n’a été prise de manière définitive quant au maintien, report ou annulation de la Consultation. Néanmoins, quelle que soit l’annonce faite à ce sujet, nous sommes arrivé.es à un stade où, de toutes les façons, rien de bon ne pourra en sortir. Aussi est-ce que j’appelle en termes polis, un méga flop (je dois admettre que mon langage est bien plus fleuri en dehors des médias, mais passons).

Résumons simplement les choses :  après des années à exiger que les autorités reconnaissent le racisme systémique au Québec et prennent des mesures nécessaires pour endiguer le phénomène, le projet de la Consultation est arrivé sur la table. Le principe ? Aller interroger les premiers concernée.s ( à savoir les victimes de racisme hein ! Qu’on s’entende bien sur qui désigne les concernée.s en question), rassembler les témoignages, collecter les divers travaux qui avaient déjà pu être réalisés sur la question et, avec l’aide de représentants, d’organismes et d’experts travaillant depuis des années sur le sujet, faire des propositions concrètes au gouvernement. Simple, net, efficace (du moins aussi simple et efficace que peut l’être ce type d’initiative mais ne chipotons pas sur les mots).

Le projet a donc tant bien que mal été posé sur la table …. Et la table a volé en éclat ! À la minute … que dis-je, à la seconde où le projet de Consultation a été connu du public, des voix (toujours les mêmes) se sont mises à caqueter dans tous les sens et à hurler au blasphème ! Comment osions-nous accuser les québécois d’être racistes ??? Quel culot de reprocher au grand peuple québécois, le plus vertueux qui soit, un problème ? N’avions-nous pas vu ce qui se passait aux USA ? Là-bas ils avaient de quoi se plaindre ok ?! Là-bas Trump et ses sbires sont racistes ! Mais le Québec ? Le Québec ??? Avec ses grands espaces, son immigration si « ouverte », son esprit de courtoisie ? Non ! Jamais ! Nous n’étions qu’une bande d’ingrat.es ! Et non seulement nous étions des monstres d’oser sous-entendre une telle perfidie, mais nous ferions bien de nous excuser de les avoir insulté ! Parce que oui, le Québec était insulté par une telle demande ! Et n’avions-nous pas honte ? Etc etc etc

Bref, nous avons eu droit au plus pur exemple de gaslighting qui soit ! Tellement classique, tellement prévisible et tellement peu subtil que j’ai bien failli trouer ma boîte crânienne à force de rouler des yeux au ciel. Vous voulez comprendre ce que c’est le gaslighting ? Vous regardez la réaction à la consultation sur le racisme systémique ! C’est ça ! En gros : vous subissez un tort, prenez la parole sur ce tort et plutôt que d’avoir un échange autour de ce qui vous est arrivé et comment faire en sorte que cela ne se reproduise plus, on vous reproche d’avoir parlé ! Pire : on vous reproche d’avoir créé un problème en parlant ! C’est vous qui les avez agressés en fait en ouvrant la bouche ! Vous l’avez fait trop durement ! Vous avez utilisé des mots insultant ! Votre ton était mal placé ! Votre timing très mauvais ! En bref, vous les avez blessés ! À la fin, on vous embrouille tellement les idées que sans trop bien savoir pourquoi, ni comment, vous vous retrouvez à vous excuser d’avoir dérangé. Par un tour de passe-passe d’éloquence, de raccourcis, d’argumentaires stupides, et en jouant la carte de la vexation, on vous fait croire que le problème vient de vous ! Et vous repartez en doutant de tout !

Dans le cas de la consultation, le glissement de sens a été d’une rapidité ! De « examinons comment notre système fonctionne afin de comprendre par quels moyens ce sont immanquablement les communautés racisées qui sont maintenues à la marge » nous sommes passé à « C’est un procès contre les québécois !!! ». Euh… pardon ??!!

Nathalie Roy – CAQ

Le glissement a été tellement rapide que j’ai failli me rétamer à terre ! Et ce fut le début de la fin ! Avant même d’avoir repris notre souffle, les attaques sont arrivées de tous les côtés : journalistes, politiques, blogueurs tout le monde avait son mot à dire sur la question ! Rajoutez à cela le début de la période électorale et c’est devenu un véritable cirque ! La consultation était jugée responsable de tous les maux : Le peuple se sent divisé ? C’est la faute à la Consultation ! Le parti Couillard subit une lourde défaite dans une élection partielle, c’est la faute à la Consultation (la blague de l’année celle-là, j’en rigole encore) ! Quand Uber a annoncé vouloir quitter Québec, j’ai franchement cru qu’on allait entendre : C’est la faute à la consultation !!!

Le spectre de la Charte des valeurs a même refait son apparition dans le débat ! Un peu comme ces monstres dans les films d’horreurs qui ne crèvent jamais. Vous voyez ?! Par exemple, Jean-François Lisée, le chef du parti québécois (PQ) en bon représentant du « camp des opportunistes gymnastes » a réussi à nous expliquer que pour mener à bien ce projet il faudrait prioritairement rassurer les Québécois.es en mettant des balises sur les accommodements religieux ! Et  bam ! 10/10 pour le retournement voltige-saut-arrière-périlleux du discours ! Vous avez bien lu ! Le racisme systémique doit être réglé en limitant encore plus les droits des minorités ! Contorsion mentale extraordinaire ! Solution trouvée !

Et ce n’est pas tout ! Vous avez aussi le camp des autruches ! Ceux et celles qui ne voient rien, n’entendent rien, ne sont au courant de rien, mais bon sang ils/elles ont des choses à dire ! Exemple ? Nathalie Roy, députée de la CAQ (Coalition Québec) qui ne croit pas que « ce genre de racisme existe au Québec ». Okéééééééé !!!! (Je vous avoue, je suis allée voir une carte du monde pour chercher dans quel Québec elle vit, parce que, clairement, nous ne sommes pas dans la même région !). Pour preuve, dans le Québec auquel je fais référence, le taux de chômage est toujours plus élevé pour les immigrés et personnes racisées que pour les blanc.hes; les noir.es touchent environ 26000$ de moins par an que leurs collègues blancs ! Dans le Québec où je vis, les hommes noirs ont 40% plus de chance d’être contrôlés par la police sans aucune raison que les Blancs ! Une entreprises comme Hydro-Quebec comptabilise près de 20 000 employés et seulement 312 sont racisés. Les CV avec un nom « qui sonne québécois » ont 60% plus de chance d’être sélectionnés pour un entretien. On continue ? À crimes égaux, les autochtones et les noirs ont vu le taux d’incarcération crever le plafond tandis que les blanc.hes sont les seul.es à voir leur taux diminuer. Etc etc etc ! Il suffit d’ouvrir les sites des universités comme McGill, Concordia ou les rapports ministériels pour trouver la documentation ! Elle est là ! Elle est faite ! Parfois elle est même commandée par l’Etat ! Mais que vaut la science quand Nathalie Roy vous explique qu’il n’y a pas de problème !

Non seulement la Consultation était blâmée pour tout et son contraire, et le racisme systémique jamais abordé de front, – voire carrément remis en question; mais en plus, en interne les choses n’ont fait qu’empirer : une ministre qui enchaine les bourdes (à croire que la consultation était bien responsable de son déclin au moment du dernier remaniement ministériel), un manque criant de moyens accordés, un manque de temps alloué (Moins de trois mois. Et pourtant, pour mener à bien un tel projet, pour qu’il ait un impact concret, rien ne devrait être envisagé en dessous d’une année !). Bref les modalités étaient une vaste blague ! Tout l’affaire n’était devenue qu’une vaste blague.

Dans cette grande farce, les seul.es qu’on n’entendait pas rire c’était les personnes racisé.es. C’était d’ailleurs ceux et celles qu’on n’entendait pas du tout ! Et c’est le plus triste et rageant dans cette affaire ! Encore une fois on nous avait promis une plate-forme pour faire entendre notre voix ! Et encore une fois, comme une dynamique bien huilée, nous sommes les premiers.ères à nous faire taire ! En nous privant d’une Consultation digne de ce nom, en laissant une telle opportunité se faire attaquer en place publique sans défense et sans appui, en manquant d’un véritable investissement, le gouvernement québécois et la société civile se sont montrés d’une lâcheté sans limite ! Le message envers les personnes racisées est d’une pure violence : taisez-vous ! Plutôt les crucifier que d’admettre que le Québec n’est pas l’Eldorado que l’on croit ! Plutôt leur cracher dessus, que renoncer aux privilèges d’être blanc.hes, ou pire, devoir admettre l’existence de ce privilège ! Ah! Comme ça doit être doux d’être ainsi bercé d’illusions ! Comme ça doit être doux de sortir vainqueurs de l’équation mais de se croire les victimes ! Le Québec blanc se bouche les oreilles, ferme les yeux et continue de profiter du système.

Pour conclure, la Consultation est un flop, oui, mais elle nous aura appris beaucoup. À retenir pour la prochaine fois : Autonomie !! Dès le départ, un projet financé et conduit par les pouvoirs en place était voué à l’échec ! Si vous tenez à garder la métaphore du procès alors imaginez un accusé qui serait à la fois juge et bourreau, et qui déciderait de la marche à suivre et de la peine finale ? Ridicule n’est-ce pas ? C’était pourtant l’idée derrière la Consultation ! On marche sur la tête. Si une consultation doit avoir lieu, son indépendance du gouvernement doit donc être totale.

Deuxième chose à retenir et probablement la plus fondamentale : Solidarité ! Malheureusement, la consultation n’a pas souffert que des attaques externes, elle fut aussi l’objet de beaucoup de controverses dû aux besoins de certain.es d’en faire leur projet politique personnel ! Voilà pourquoi les aspirations de carrières ne devront pas avoir leur place dans le processus ! Un comité d’encadrement devrait être monté dès le départ afin de parer à ce type de développement (toujours une menace cela dit). De même, pour éviter les atermoiements, ce même comité devrait nommer des porte-paroles qui veilleront à donner un discours unique et surtout uni aux médias ! Faire en sorte que la cacophonie journalistique n’entrave pas le processus des témoignages en ayant un plan de communication établi et ficelé.

Je ne suis pas une cynique et encore moins une défaitiste. Cet essai n’a pas porté comme nous le voulions, mais il fut éducatif ! À nous d’en prendre de la graine pour la prochaine fois.

Auteure : Jade Almeida

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