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Au-delà du #moiaussi

Ces dernières semaines, plusieurs cas d’agression sexuelle concernant des personnalités publiques ont rapporté la problématique des violences sexuelles au centre de l’attention médiatique. Le mouvement #metoo a dominé les réseaux sociaux en encourageant les femmes à témoigner si elles ont été agressées sexuellement en leur offrant une plateforme pour briser le silence. Sans aucun doute, il est encourageant et très positif de voir les survivantes et survivants s’organiser pour mettre fin à la banalisation des agressions à caractère sexuel.

Mais chaque fois qu’on participe à une nouvelle campagne contre la violence sexuelle, une question ressort: quelles expériences sont considérées comme légitimes d’être incluses dans le débat public? Qui est toujours exclue de la conversation et quelles réalités sont effacées du discours autour de la violence sexuelle ?

Nous le savons bien, la culture du viol est un fléau qui touche toute la société, et les femmes sont davantage victimisées. Les campagnes de sensibilisation ont bien réussi à mettre en lumière ce constat. Néanmoins, ces campagnes médiatiques effacent certaines expériences qui se trouvent aux marges. Les expériences de victimisation sont plurielles, et de multiples types de discrimination comme le racisme, le capacitisme, l’hétérosexisme et la transphobie peuvent s’entrecroiser pour accentuer et accroître la vulnérabilité de certaines victimes à la violence sexuelle.

Malheureusement, les campagnes médiatiques n’incluent pas cette pluralité d’expériences. Ainsi, les femmes qui ne correspondent pas au stéréotype de la victime parfaite intéressent moins. Cette invisibilisation contribue à la banalisation de la violence sexuelle en effaçant les expériences de personnes dont l’image ne correspond pas à ce qu’on attend d’une victime. Ce faisant, leur crédibilité est contestée en raison de plusieurs facteurs tels que le statut socioéconomique, l’identité raciale, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, la capacité physique ou mentale, le statut migratoire ou tout autre facteur les mettant en marge de notre société.

Des victimes exclues

Quand parlerons-nous de la violence sexuelle vécue par des femmes aux marges, les femmes qui ne sont jamais incluses dans le débat public, les femmes dont la violence n’est pas seulement genrée, mais à la fois racialisée ? Quand lutterons-nous contre la violence sexuelle vécue par les personnes trans et le fait qu’elles font face à des barrières d’accès aux services d’aide nécessaire ? Quand nos campagnes incluront-elles les expériences des victimes en situation de handicap sans tabou ni stigma ? Y a-t-il un #metoo pour les femmes qui se trouvent dans l’industrie de sexe ? Y a-t-il la solidarité pour les femmes qui sont victimisées dans le système carcéral, pour les femmes sans statut migratoire ou encore, celles en situation d’itinérance ?

Il faudrait garder à l’esprit que le mouvement «Metoo», lancé par la militante féministe afro-méricaine Tarana Burke il y a quasiment une décennie, n’avait pas comme objectif d’être une campagne virale sur les réseaux sociaux. À travers «Metoo», Tarana Burke s’adressait surtout aux victimes souvent exclues de la conversation autour de la violence sexuelle, celles qui n’ont pas accès aux ressources d’aide et qui ne sont pas rejointes par les organisations de lutte et prévention contre les agressions sexuelles.

De nombreuses personnes se demandent si ce mouvement et ces campagnes médiatiques représentent un gain significatif dans la lutte contre la violence sexuelle. Il est évident qu’à chaque fois qu’une victime partage son expérience, en public ou en privé, c’est un acte de résistance. C’est un acte puissant de reconnaissance de ce qu’elle a vécu et c’est également une demande de validation et de justice.

Néanmoins, si l’on veut éradiquer toute forme de violence sexuelle il faut s’intéresser à la pluralité des expériences, surtout celles des victimes qui se trouvent aux marges. Il faut confronter les stéréotypes et préjugés qui font en sorte que certaines expériences ne sont pas considérées comme légitimes et lutter contre les systèmes d’oppression qui rendent certains groupes des femmes plus vulnérables. Il faut aller au-delà du #moiaussi et se demander comme société ce que nous allons faire pour contrer la culture du viol qui est présente dans toutes nos institutions.

Finalement, allons-nous croire toutes les victimes, être solidaires avec elles et leur donner leur place dans cette conversation ? Les victimes qui sont effacées des campagnes se demandent: votre #Moiaussi est-il solidaire avec #Nousaussi ? À quand un #OnVousCroitTOUTES ?

Source : Le Devoir (24-10-17)

Auteure : Marhilan Lopez – Agente de liaison au RQCALACS (Regroupement Quebecois des Centres d’Aide et de Lutte Contre les Agressions à Caractère Sexuel)

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