Ce n’est pas nouveau et nous le savons. Ce n’est pas nouveau mais nous nous indignons. Derrières nos écrans ou dans la rue lors des manifestations : nous crions notre rage, notre peine, notre désarroi et nous écrivons nos craintes, nos peurs et notre colère. Pourquoi ? Comment en sommes-nous arrivés là? Pourquoi en sommes-nous toujours là ? Je me suis posée ces questions toute cette semaine : j’ai lu, regardé, écouté les avis des uns et des autres pour comprendre mais j’en suis toujours au même point : pourquoi ?
Certains crieront au racisme, d’autres diront que c’est simplement l’histoire qui se répète, le voisin dira que c’est la faute des autorités libyennes, la cousine dira que c’est la faute du Maghreb, le concierge dira que c’est la faute des gouvernements africains et le présentateur télé dira que c’est la faute de tout le monde. Pendant ce temps, chez moi, ici, loin, j’ai mal. J’ai mal parce que je me sens impuissante face à un problème qui touche les miens, un problème global qui néanmoins n’arrive à se faire entendre lorsqu’il tape aux portes des gouvernements des pays du Nord, un problème global qui ne cessent de cogner aux portes de ses souverains.
Les solutions sont multiples, simples à énoncer mais pour différentes raisons, difficiles à appliquer. Il faudrait créer des opportunités, créer de l’emploi pour que ces jeunes restent, pour que leur terre soit leur eldorado et qu’ils arrêtent d’écouter ces sirènes européennes qui les conduisent tout droit entre les griffes de ces gens qui se disent humains. Présidents, donnez-nous une raison de rester et nous resterons. Protégez-nous et nous resterons. Cessons d’agiter le drapeau du développement et des croissances à deux chiffres alors que notre population fuit. Elle fuit un terme qui est pour elle fictif puisqu’elle n’en bénéficie pas. Ce sont les nantis qui connaissent le goût du développement, les autres eux, connaissent l’histoire.
J’ai mal mais ma douleur n’est rien comparée à celle de ceux qui affrontent le désert, ceux qui laissent tout puisqu’ils ne regretteront pratiquement rien, ceux qui auraient pu être toi et moi. J’ai mal mais derrière mon écran, chez moi, loin, je me sens responsable puisque quelque part, si je cherche bien, je suis aussi coupable.
Auteure : Djamilla Toure – Fondatrice de la plateforme SAYASPORA.
(article originellement publié sur sayaspora.com)