SJ

SONA JOBARTEH : BIEN PLUS QUE SA KORA !

Le 20 juillet dernier, Montréal a vibré aux sons et rythmes de la kora de Sona Jobarteh , dans le cadre de la 37ème édition du Festival international Nuits d’Afrique. L’artiste gambienne-britannique, invitée dans la série Grands Évènements de l’édition 2023 du festival, a égrenné Badinyaa Kumoo, son plus récent opus.

Prévu à 21h30, le show a commencé à l’heure dite. Et c’est devant un public de fans et de curieux, qui la découvraient pour la première fois que l’artiste fera son apparition sur scène, après ses musiciens. Comme d’habitude, Sona Jobarteh arbore des tresses et est drapée d’une tunique auc couleurs vives. Charismatique, un petit sourire vers le public, et elle installe sa kora sur une ceinture prévue à cet effet. Et nous voilà prêts à décoller vers l’univers apaisant de la gambienne la plus célèbre au monde.

« Badinyaa c’est presque un écho du premier album qui s’appelait Fasiya, et qui fait référence à mon héritage paternel. Badinyaa est le miroir de cela, du côté de la mère. Mais j’en parle d’un point de vue social, en termes de responsabilité, d’obligation de materner notre société. Comment nous développons et faisons grandir notre société, comment nous en prenons soin pour les futures générations  » m’a-t-elle partagé lors de notre entrevue quelques jours avant sa venue.

Elle ouvre d’ailleurs le bal avec le morceau Jarabi et presqu’aussitôt, le public tombe sous le charme. Elle prend le temps d’expliquer chacune de ses chansons, tantôt en anglais, parfois en français, mais c’est surtout à travers le langage de la musique qu’elle communiquait avec son public réceptif.

Première femme ouest-africaine à jouer de la Kora sur la scène internationale

« La prochaine chanson, Mamamuso, j’aimerais la dédier à ma grand-mère. J’aimerais lui dire merci pour tout ! Pour mon rêve d’un jour, pouvoir jouer la kora ! J’espère qu’elle est fière de moi « , a-t-elle confié entre deux chansons.

Connue comme la première femme d’Afrique de l’Ouest à jouer de la kora au niveau international, Sona Jobarteh en a même fabriqué pendant quelques années avant de transmettre ses connaissances à d’autres, par manque de temps.

Et lorsque je lui ai demandé si les koras plus modernes gardaient encore l’essence de cet instrument traditionnel, elle répond : « Pour moi, la seule différence, ce sont les tuning heads. Je me suis lancée dans la construction de koras parce que je n’étais pas en mesure de trouver une kora qui puisse avoir le meilleur des deux mondes. J’ai commencé à étudier les koras construites par mon grand-oncle en détail. Ensuite, j’ai démonté certaines d’entre elles pour essayer de comprendre exactement comment il les avait assemblées. Je me suis dit que je pouvais en construire une qui conserve toujours ces approches et techniques très fondamentales du modèle traditionnel, en y apportant des changements minimes. J’y suis allée très soigneusement et c’est vraiment là que j’ai trouvé la kora que j’utilise aujourd’hui.« 

Musolou, une chanson-hommage aux femmes 

« Cette chanson « Musolou » est pour toutes les femmes dans le monde, je leur souhaite beaucoup de courage et j’aimerais inspirer toutes les femmes du monde, à aller au bout de leur rêve ! « , déclare-t-elle avant d’entonner ce titre qui fait partie de ses grands succès.

(C) NEOQUÉBEC – JUILLET 2023

Une connivence partagée

En m’entretenant avec Sona Jobarteh, j’ai su, en tant qu’artiste et mère moi-même, tirer plusieurs leçons…Notamment qu’il y a beaucoup de sacrifices à faire lorsque nous jonglons nos deux rôles en parallèle. « Même si avoir un enfant est devenu extrêmement difficile à gérer une fois qu’on atteint un certain âge, c’est en même temps la raison pour laquelle je me rends compte que je dois le faire, justement parce que j’ai un enfant. Parce que j’ai une autre génération pour laquelle je veux être un modèle. Il n’y a qu’une seule façon pour un enfant d’apprendre quelque chose, c’est d’être mentoré. Cela ne signifie pas qu’ils doivent être musiciens, mais c’est la façon naturelle des humains. Si je suis musicienne, mon enfant doit vivre, voir, goûter et sentir ce que c’est, ce que leur mère fait. Ce n’est pas seulement que maman n’est pas là, et voici un téléviseur ou un iPad. Non. Sois avec moi et vois ce qu’il faut pour faire ce que je fais. »

Retour au concert

À la moitié du spectacle, Sona Jobarteh, descendante d’une grande famille gambienne de griots, troque sa kora pour la guitare lors de la chanson dédiée aux artistes du monde, « La musique est une forme de communication très puissante. Il faut en prendre très soin, de ce don. Il faut savoir que l’on sème les graines que nous allons récolter demain », leur envoit-elle comme message.

La Gambia Academy, un modèle à suivre

Du haut de sa jeune carrière, Sona en a parcouru du chemin. Elle a même eu le temps de fonder la Gambia Academy, dont elle parle avec beaucoup de fierté. « Le premier endroit où un enfant découvre le monde est à l’école. C’est ce qui m’a amenée à examiner le système éducatif en Afrique et à réaliser qu’il y a un héritage si fort de cette intention coloniale en termes de colonisation de l’esprit des Africains par l’éducation. Et si nous devions exposer les Africains à un système éducatif qui place leur identité, leur histoire, leur tradition, leurs langues, leur culture, au centre même de leur expérience académique quotidienne ? »

C’est lors de ses études au School of Oriental and African Studies de l’université de Londres que son idée, qui germait depuis quelques temps déjà, s’est concrétisée. Après des heures passées dans les bibliothèques à fouiller les archives, livres, enregistrement et autres ressources qui portaient sur sa famille, qu’elle s’est donnée comme mission de les rendre également accessibles dans les bibliothèques de Gambie, et de mettre tout ce matériel à la disposition des personnes auxquelles ils appartiennent.

En lui demandant à quoi elle s’attendait lors de son tout premier concert à Montréal : « Chaque performance est différente, pas à cause de moi, mais à cause du public. Parce que je dois les sentir, ce qu’ils ressentent affecte la façon dont je leur livre mon spectacle« .

Je confirme que le public montréalais était bel et bien au rendez-vous et fredonnait encore le tube planétaire Gambia sur le chemin de retour : Gambia lema, Sénégal lema…alors que d’autres chantaient weyo, weyo jarabi…

On espère voir plus souvent Sona Jobarteh à Montréal.

Sandra Gasana – Neoquébec – juillet 2023

 

Ajouter votre commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués *