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Pourquoi les athlètes noirs ne sortent qu’avec des femmes blanches (suite & fin)

Ce dossier est tiré d’une des chroniques « Société en Débat » de l’émission NeoQuébec. Il est donc fort probable, voire certain que la correspondance entre la chronique audio et et le texte ci-dessous ne soit pas tout à fait exacte. Il ne s’agit pas seulement d’une transcription exacte de la chronique audio, mais aussi et surtout d’un complément d’information, d’une présentation plus complète du sujet : Pourquoi la plupart des athlètes noirs de renommée se marient avec des femmes blanches ?

En 1965,  le rapport Moynihan va établir la responsabilité des femmes noires dans l’échec des communautés noires. Selon l’auteur, les femmes noires ont trop de pouvoir chez elles, ont trop d’enfants, sont des mères monstrueuses, elles empêchent l’homme noir de prendre sa place à la tête du foyer… elles dé-masculinisent finalement leur conjoint. Remarquons la ressemblance des critiques entre ce rapport de 1965 et le commentaire de Maserati de 2018. Bien sûr depuis le temps, le rapport a été démonté par les critiques qui ont,  non seulement souligner la misogynie et le racisme sous-jacent de l’auteur, mais également l’absence de scientificité totale de ses conclusions. Mais le mal était fait. Ce rapport va avoir un impact considérable sur les politiques publiques mais également sur les consciences et la manière dont on perçoit les femmes noires. Ainsi dans certains mouvements de droits civiques, on va retrouver ce même discours accusant les femmes noires d’être le véritable fléau de la communauté (non pas les politiques publiques discriminatoires, le racisme, le chômage, la bourgeoisie, le blantriarcat, etc. Non ! Les femmes noires !) Certains leaders du Black Panther Party, par exemple, vont publiquement souscrire à une rhétorique sexiste comme projet politique. Expliquant que la place des femmes noires est à deux pas derrière l’homme noir ou encore mieux, couchée !

Mais le rapport Moynihan s’appuie et renforce à la fois toute une série de stéréotypes entourant les femmes noires. Patricia Hill Collins, dans son ouvrage “La pensée féministe Noire” va faire une étude approfondie de ces stéréotypes entourant la femme noire, notamment en rapport avec les médias. Elle identifie ainsi quatre figures auxquelles sont systématiquement rattachées les femmes noires :

– La figure de la  “mama” ou la “nounou”, extrêmement loyale envers sa famille blanche, figure maternelle entièrement désexualisée qui élève avec tendresse, non pas ses enfants mais ceux de ses maîtres. Une femme noire sans aucune réflexion politique et, par conséquent, parfaitement heureuse de son statut.

– La figure de la femme noire “sassy”. La bonne copine ayant toujours la répartie cinglante à la bouche (clap back), roulant des yeux et de la tête à tout va, mâchant du chewing-gum, supposée être vulgaire ou avoir une mauvaise attitude, mettant largement en valeur le personnage principal blanc… Largement popularisée dans les sitcoms depuis les années 70, elle a aujourd’hui évolué pour devenir l’inspiration de bon nombre d’émissions de télé-réalités.

– La troisième figure  est celle de la mère monstrueuse, la matriarche. Dépendante des aides sociales, elle est dépeinte comme une sangsue de l’Etat (Patricia Hill Collins utilise le terme “welfare queen”). C’est une femme noire qui a plusieurs enfants de différents partenaires ( et ignore dans la majorité des cas qui est le père de qui. Bien sûr le jugement moral négatif est clairement explicité). Elle parle mal à son conjoint, est tout le temps en train de le rabaisser ou de l’humilier en public et passe aussi son temps à crier contre ses enfants. La matriarche, bien que plusieurs fois mère (ou plutôt parce que plusieurs fois mère) est considérée comme une mauvaise mère, un fléau dans le tissu social. Ces accusations ne sont pas nouvelles puisqu’on les trouve dans le rapport Moynihan depuis les années 60’, mais elles continuent de prospérer sous la tutelle des médias et des politiques publiques. (*) .

– Et enfin, dernière figure, la Jezebel, la femme noire sexualisée à outrance. Une femme dont la sexualité monstrueuse autorise/pardonne les viols et discrédite les plaintes (cf : Collins). Le traitement public d’Anita Hill lorsqu’elle porte plainte pour harcèlement sexuel en est un bon exemple. La sexualité des femmes noires est ainsi dépeinte comme sauvage et animale et est littéralement construite en opposition avec la sexualité des femmes blanches. La Jezebel est l’antithèse de la vierge, elle devient la prostituée, subissant au passage tous les discours et jugements de valeur imaginables (associée également à la gold digger. Celle qui fera un enfant au premier homme “riche” qu’elle croise). C’est une vision de la sexualité des femmes noires qui s’enracine dans les premiers textes de la colonisation puis de l’esclavage. La femme noire peut-être traitée comme bon leur semble par l’homme blanc, elle est “faite pour cela”.

 

Un ’imaginaire romantique, affectif et sexuel conditionné

Ce sont des stéréotypes qui, bien sur, impactent encore largement les imaginaires sexo-affectifs. Non seulement dans la manière dont on représente les femmes noires, mais également dans la manière dont on les considère. Un simple coup d’oeil aux chaînes de télé musicale suffit à voir une pléthore de ce stéréotype dérivé à l’infini. Et les applications de rencontres sont encore une fois un bon exemple des clichés qui circulent sur la panthère, la féline, j’en passe et des meilleurs. Le principe de ces représentations stéréotypées est bien sûr d’évacuer toute dimension complexe des femmes noires. Il s’agit d’homogénéiser et d’ôter toute possibilité de réflexion ou d’auto-détermination. Les femmes noires ne sont pas représentées comme des êtres humains, avec différentes facettes et histoires et revendications, mais comme des caricatures d’elles-mêmes prêtes à être offertes en consommation.

Par conséquent, lorsque vous avez une communauté qui grandit avec ce genre de représentation, qui évolue dans un monde où la beauté est considérée comme la plus antithétique possible aux femmes noires, où les caractères sont réduits à des stéréotypes largement condamnés par les valeurs occidentales, que celles-ci soient morales ou religieuses. Un monde où les femmes noires sont systématiquement traînées dans la boue par les pouvoirs publics… Cela finit par avoir un impact conséquent sur les imaginaires, même les plus privés : à savoir l’imaginaire romantique, affectif et sexuel. “Avec qui fonder un foyer ? Qui présenter aux parents ? Avec qui vieillir et projeter une image respectable? Ou au contraire avec qui on va “former la jeunesse” ? Qui mérite le respect ? Qui mérite des relations consenties et safe ? etc…

Pour autant, on ne peut pas non plus considérer que le commentaire de Maserati est uniquement le signe d’individus prédéterminés. C’est-à-dire, considérer qu’à partir du moment où nous naissons au sein de populations noires, nous sommes privé.e.s de toute agentivité, incapables d’exercer un contrôle et une régulation de nos actes. Notamment sur la manière dont nous souhaitons mener nos vies sexuelles et/ou affectives. Il ne s’agit pas là de complètement excuser le commentaire de Maserati en dressant un portrait défaitiste et condamnant des relations entre femmes noires cis et hommes noirs cis.

Je considère juste important de remettre nos réalités en contexte parce que trop souvent il y a un discours qui tend à systématiquement expliquer le moindre problème au sein de nos communautés comme étant “un problème de noir”. C’est-à-dire, partir d’une dimension “culturelle” hyper homogène, sans aucune prise en compte de contexte historique, social ou économique, pour banaliser nos vécus et nous en rendre les premiers et seuls responsables. Dans ce cas présent, la normalisation à outrance de la violence faite aux femmes noires. Il faut, par conséquent, remettre en contexte tout ce par quoi nous sommes passés, mais aussi tout ce que nous continuons de subir au sein de la société, afin de pouvoir analyser les mécanismes des rapports de pouvoir qui impactent nos conditions de vies. Et espérer à long terme, les détruire.

1ère partie : https://neoquebec.com/artists-news/pourquoi-les-athletes-noirs-ne-sortent-quavec-des-femmes-blanches/

(c) Jade Almeida – NeoQuébec – mai 2018

(*) Pensons notamment aux discours sur la pauvreté qui propagent largement ce stéréotype pour accuser les femmes noires d’être responsables de la misère du monde. Macron par exemple, s’est illustré dès sa première année de mandat en expliquant que le véritable problème de l’Afrique n’était pas, comme on pourrait le penser, le pillage systématique de ses ressources par l’occident, le maintien de rapports de pouvoir directement hérité de la colonisation, un capitalisme sauvage motivé par le fait d’amasser et l’enrichissement d’une petite minorité, mais bien les femmes africaines qui auraient “trop d’enfants”.  (Un article plus détaillé sur le sujet est à venir).

Ressources citées (Fr et Ang) :

Ouvrir la voix de Amandine Gay : https://www.facebook.com/OuvrirLaVoix/
Family in equality : https://familyinequality.wordpress.com/2015/04/02/whos-your-marriage-market/
The Atlantic : https://www.theatlantic.com/sexes/archive/2013/01/one-possible-troubling-outcome-of-online-dating-more-social-inequality/266798/
NPR : https://www.npr.org/2018/01/09/575352051/least-desirable-how-racial-discrimination-plays-out-in-online-dating
Huffington Post : https://www.huffingtonpost.ca/entry/satoshi-kanazawa-black-women-less-attractive_n_863327
Hortense Spillers – Shades of Intimacy
Moun Woke – Colorisme : https://soundcloud.com/raklemedia/mounwoke-02-privileges-coloristes-en-martinique-point-de-vue-dune-femme-dite-mulatresse?in=jade-almeida-674877233/sets/a-ecouter
Patricia Hill Collins – La pensée féministe Noire.
la 1ere : https://la1ere.francetvinfo.fr/afrique-du-sud-petition-pour-autoriser-les-lyceennes-noires-porter-leurs-cheveux-au-naturel-392371.html
Jeune Afrique : http://www.jeuneafrique.com/352504/societe/afrique-sud-a-pretoria-lyceennes-noires-se-battent-porter-leurs-cheveux-naturel/
everydayfeminism.com/2016/06/black-female-stereotypes/

 

 

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