14/01/2019. Credito: Marcos Hermes/Divulgacao. Cantora Fabiana Cozza.

Chronique : Fabiana Cozza est un trésor national brésilien qui mérite d’être plus connu

Dans cette chronique, je fais un petit retour sur un des spectacles du dernier Festival Nuits d’Afrique. En effet, les personnes qui me connaissent savent que je porte le Brésil dans mon cœur, particulièrement sa musique. Alors que j’essaye d’être toujours à la page en termes de nouvelles tendances brésiliennes, la chanteuse Fabiana Cozza a échappé à mon radar musical.

Le théâtre Fairmount a vibré aux sons des Orixas jeudi 21 juillet 2022, lors du passage remarqué de la grande artiste brésilienne qui en était à son premier séjour à Montréal et au Canada. Accompagnée de sa mère et de sa sœur (qui vit au Canada), c’est dans le cadre de la 36ème édition du Festival Nuits d’Afrique que l’étoile montante de la samba et de la musique afro-brésilienne en a mis plein la vue à son public.

« Les gens pensent que la samba est (juste) liée à un genre musical. C’est beaucoup plus que ça, c’est de la résistance, c’est de la philosophie. Il s’agit de l’histoire des Noirs, de leur culture, de leur héritage, de leur ascendance. C’est même un lieu pour discuter et dénoncer les problèmes sociaux, la violence contre les Noirs et les pauvres au Brésil, pour dénoncer le racisme, pour demander justice. C’est un lieu d’espoir. »

Aux côtés de son directeur musical, arrangeur et bassiste Fi Maróstica, et deux musiciens incontournables de la scène montréalaise, André Galamba, à la guitare, et Carlos Henrique Feitosa à la batterie, la chanteuse brésilienne est montée sur scène, pieds nus, prenant soin de faire ses rituels bénissant les lieux et le spectacle.

Se débrouillant un peu en français, c’est plutôt dans la langue de Shakespeare qu’elle interagissait avec la salle, entre les chansons. Durant la pandémie, l’artiste a sorti son 8ème album Dos Santos, rendant hommage à ses racines africaines et autochtones. Lorsque je lui ai demandé comment ses multiples identités se traduisaient dans sa musique, elle répond : « Je chante simplement ce qui m’émeut vraiment et je me demande comment je pourrais créer différentes atmosphères et inviter les gens aux rêves et aux histoires que je vais raconter. Les chansons sont de petits rêves, des histoires courtes ou longues. Donc, je crois que tout mon héritage vient de ma voix corporelle ».

Son spectacle était à la fois spirituel, théâtrale, avec une place centrale dédiée à la danse. Autant de chapeaux que l’artiste aux multiples talents porte fièrement. En effet, en plus d’être une chanteuse à la voix touchante et profonde, elle est également journaliste, professeure, poète et autrice. De plus, elle est doctorante en musique de l’Université d’État de Campinas, tout en poursuivant sa carrière en musique. « Je suis une personne extrêmement curieuse. Il y a toujours beaucoup à apprendre, à écouter, à enseigner, à lire, à goûter. Donc, en termes artistiques, je suis toujours dans un processus. Je ne dis jamais : c’est fait, je l’ai eu, j’ai fini ! Je regarde autour de moi et j’avance », partage-t-elle.

Le public était particulièrement pendu à ses lèvres lors de la chanson Tempo Velho , (ou Temps anciens) mais c’est surtout lors de la cérémonie de l’eau que l’audience a complètement été subjuguée. Après une allusion à la Mère de la fertilité aussi appelée Oxum, c’est en allumant une bougie et lavant ses mains dans un récipient captant le son des gouttes durant la chanson Doce Oxum que la salle était transportée dans l’univers sacré de la chanteuse. Avec pour unique accompagnement la guitare, elle fait participer l’audience par des Orayeyeô  à répéter, à leur grand plaisir.

« La prochaine chanson parle de ma mère, pas ma mère biologique qui est dans la salle, mais la reine de la mer, Yemanja », dit-elle avant de jouer un enregistrement d’une voix de femme d’un certain âge chantant Yemanja. Elle refait cet exercice pour la chanson sur Xango, le roi de la guerre et de la justice.

Le Brésil, une histoire d’amour pour moi

Un autre moment fort de la soirée fut le duo improvisé entre Fabiana Cozza et Carine au micro, animatrice de la soirée et chanteuse elle-même. S’en est suivi un dialogue musical parfaitement en symbiose, démontrant incontestablement les liens entre le Brésil et l’Afrique, notamment avec le Bénin d’où sont partis de nombreux esclaves en direction des Amériques.

Mon amour pour le Brésil n’est donc pas anodin. C’est probablement ses musiques inspirées de rythmes africains, comme celles de Fabiana, qui m’ont séduite en 2005, lors de mon premier séjour à Fortaleza, au nord-est du Brésil.

Au-delà de l’album Dos Santos, qui a vu le jour durant la pandémie, l’artiste a vécu des moments difficiles pendant ces deux dernières années : « Nous devions nous battre et résister contre le plus grand ennemi : Bolsonaro. Il a traité la pandémie comme une petite grippe. Nous avons perdu plus de 700 000 personnes, j’ai perdu des amis, à cause de sa politique et son irresponsabilité. »

Le spectacle s’est terminé par un bain de foule de Fabiana Cozza, venue rejoindre son public pour former un cercle de communion autour d’elle qui danse.

« Je suis très touchée par mon séjour au Canada et par les concerts que j’y ai faits. J’ai reçu beaucoup d’amour, de respect, de beaux messages de différentes personnes. J’ai également eu l’occasion d’enregistrer avec d’excellents artistes comme Djely Tapa du Mali ou encore mon grand ami Zal Sissokho du Sénégal. Donc, je veux vraiment revenir pour jouer de plus en plus. ».

Son dernier album Dos Santos (2020) est disponible sur toutes les plate-formes de musique

(c) Sandra Gasana – Neoquébec (Août 2022)

Fabiana Cozza, sa soeur et moi, Sandra Gee

 

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