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Le cas sensible de Françoise Abanda: Québec faut qu’on s’parle !!

Pour ceux et celles qui ne le savent pas, je suis présentement en Tanzanie à Dar es Salam. Ma semaine se passe à merveille avec une semaine de formation et j’ai la chance de vous écrire sur la plage coco Beach avec ma tasse de thé en écoutant de l’Afrobeat. Cependant, je n’ai pas pu m’empêcher de regarder les nouvelles du Canada et du Québec. Une  a ressorti principalement qui a ébranlé notre province dans le sport : la déclaration de Françoise Abanda se disant victime de discrimination raciale. Pour ceux et celles qui ne le savent pas, Miss Abanda est la joueuse de tennis la mieux placée le 14 mai, classée 125e au monde dépassant maintenant Eugénie Bouchard. Cependant, lorsqu’un de ses fans demande pourquoi il n’y a pas eu autant de soutien ou d’énergie envers elle, sa réponse est la suivante:  I will never get the same treatment because I am black (Je ne recevrai jamais le même traitement parce que je suis Noire. C’est la vérité!). Pour ma santé mentale, je n’ai pas regardé les commentaires sur les réseaux sociaux, mais j’ai pris le temps de lire les articles, écouter les entrevues à la radio et  à la télévision de plusieurs chaînes québécoises en attendant l’avion. Une seule phrase m’est venue en tête : No shade no tea  but Québec faut qu’on s’parle ! Je crois qui qu’il faut rétablir des choses importantes et comprendre les multiples dimensions de la situation particulière de Françoise Abanda. J’ai remarqué plusieurs éléments qui me rendent mal à l’aise venant des commentateurs, des journalistes ou des médias au sujet de cet enjeu. Je souhaite remettre quelques pendules à l’heure et comme d’habitude émettre mon opinion. Comme je le dis souvent : No shade no tea but It is what it is…

L’homogénéisation des personnes racisées

Lorsque la nouvelle est sortie, j’ai souvent entendu des commentateurs et des journalistes à la radio et à la télévision comparer la situation de Françoise Abanda à celle de Pk Suban. Il est vrai que Pk subban est aimé, même adoré des fans de hockey, je suis moi-même une groupie, mais voici la réalité : Subban n’est pas Abanda et Abanda n’est pas Suban. L’admiration pour Pk Subban ne change rien au fait qu’Abanda déplore le manque de visibilité envers elle ou une certaine discrimination raciale. Le problème que nous avons tendance à faire, sans mauvaise intention bien sûr, est d’homogénéiser les minorités visibles : si une personne de couleur vit cela ou dit cela, toutes les personnes de couleur sont ainsi. Aussi, lorsque qu’une autre personne racisée est dans la ligue ou dans le même groupe, on pense qu’il ne peut pas avoir de discrimination. En conséquence, on perçoit les personnes racisées par un groupe racial et non en tant qu’individu. La presse a publié un article le 18 mai intitulé Le milieu du sport québécois est-il raciste ? en demandant à d’autres athlètes de couleur de s’exprimer sur les propos de Françoise. Je n’enlève pas le vécu de ces athlètes et je respecte leur déclaration, mais cela demeure une situation différente et un vécu différent qui ne correspondent pas à la joueuse de tennis.

Les multiples dimensions de Françoises Abanda

Une entrevue intéressante de Mario Dumont avec Dorothy Alexandre, présidente du conseil des montréalaise se déroule à TVA le 17 mai (http://www.tvanouvelles.ca/videos/5786218825001). Dumont sort, comme il dit, le contre-exemple de Pk Subban, Madame Alexandre met un point intéressant concernant le genre : Françoise n’est pas seulement noire, elle est aussi une femme. Comme dit Dorothy Alexandre dans l’entrevue, «la portée médiatique va être différente, parce que quand une femme réussit, on va souvent s’attarder à sa beauté ». Malgré mon admiration pour Pk Subban, aurions-nous la même réaction si Françoise Abanda avait le même comportement, la même attitude ou la même manière d’agir que le joueur de hockey? J’ai de forts doutes en sirotant mon thé. De plus, sur la question de la beauté, la population s’est aussi attardée à comparer Abanda avec Bouchard, alors que les deux jeunes femmes sont splendides et Françoise n’a jamais voulu se comparer à elle. Il ne fait pas de doute qu’Eugénie Bouchard a monté en flèche dans le top 10 et qu’elle a mis son énergie dans sa propre mise en marché, il faut le reconnaître. Cependant, les standards de beauté deviennent une pression et Bouchard va correspondre mieux au standard de beauté souhaité par la société que Françoise Abanda.

Une ouverture pour un meilleur encadrement

Nous ne savons pas entièrement l’histoire entre Françoise Abanda et la ligue de Tennis. Nous ne sommes pas obligés d’être d’accord à 100% avec la manière dont Françoise Abanda a voulu envoyer son message, mais une personne qui lance cela sur les réseaux sociaux montre un sentiment qu’elle ressent depuis plusieurs années. Tristement, j’ai senti qu’on ne l’a pas écoutée, qu’on a déformé ses propos à un point qu’on pense qu’elle cherche l’attention. Son dernier tweet « Je déplore qu’on déforme mes propos. Je ne suis pas à la recherche de popularité. J’ai exprimé un sentiment basé sur du vécu. Je ne me compare pas à personne et je respecte tous les sportifs. Je revendique juste l’égalité des chances » Le Québec a tristement encore un malaise à parler de discrimination raciale ou tout sujet qui concerne le racisme (cela a évolué, mais il y a du travail à faire…). Pour un Québec plus inclusif, il faut écouter les personnes racisées qui se sentent à l’écart même lorsqu’elles sont rendues dans des hautes positions de leur discipline. Lorsque ces situations arrivent, il faut alors se demander si les encadrements sont adéquats et comment nous pouvons agir afin que ces derniers se sentent accueillis et inclus. Il faut un appui, un soutien une discussion. Je crois fortement que Françoise Abanda ne sera pas la première à  s’exprimer  sur ce sujet et elle ne sera pas la dernière.

(c) Camille Esther Garon- mai 2018

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