Né le 6 mars 2000 à Paris, Guillaume Diop est un danseur français du ballet de l’Opéra national de Paris. Depuis une semaine, Il rayonne. À juste titre. Le 12 mars dernier, il y a six jours, à Séoul, sur proposition du directeur de la danse José Martinez, il a accédé au titre d’étoile du Ballet de l’Opéra de Paris. C’est « monstrueux » et historique.
À 23 ans, il est le premier danseur noir qui accède à ce grade-statut. Un double exploit, dans la mesure où il a obtenu le grade suprême sans être passé par celui de « premier danseur« , dernière marche avant la gloire. C’est un fait rare dans une compagnie de ballet très hiérarchique, fondé en 1875.
Travailleur acharné et bourré de talent
Guillaume Diop n’était que sujet depuis novembre 2022, lorsqu’il a reçu la nouvelle comme un magnifique cadeau. Pas tombé du ciel pour autant… C’est plutôt la récompense d’un travail acharné, d’une aisance naturelle stupéfiante dans le style classique, et d’un certain courage aussi quand il a repris au pied levé des premiers rôles alors qu’il n’était encore qu’au tout premier échelon de la troupe.
Son père sénégalais, employé d’une compagnie aérienne, et sa mère auvergnate, fonctionnaire à la mairie de Gennevilliers, n’en croient pas leurs oreilles quand il les appelle depuis Séoul où il était en tournée et a appris la nouvelle.
« Avec le décalage horaire, ils venaient de se réveiller… Ils ont encore un peu de mal à réaliser, mon père est hyper fier« , affirme le danseur au sourire solaire. « J’ai l’impression que c’est un rêve« , a-t-il confié aux medias, lorsqu’il l’a appris pendant une tournée à Séoul en Corée du sud.
Co-auteur du manifeste De la question raciale à l’Opéra de Paris, rédigé avec quatre autres danseurs, dont Letizia Galloni, Jack Gasztowtt, Awa Joannais et Isaac Lopes Gomes, ainsi que Binkady-Emmanuel Hié, de l’AROP (Association pour le rayonnement de l’Opéra de Paris), Guillaume Diop réfute l’idée d’une nomination pour faire de la discrimination positive, mais évoque plutôt l’évolution de l’Opéra de Paris pour s’adapter à la société et au au monde actuel. « Il faut faire sortir la compagnie du silence » disait-il en 2020.
Cette médiatisation et ce qualificatif de « première étoile noire de l’Opéra » le gêne-t-il ? » Ca ne me dérange pas parce que c’est un fait« , assure-t-il. « S’il y avait eu une personne comme moi à l’époque où j’ai commencé la danse, ça aurait été beaucoup plus simple pour moi et mes parents; ça les aurait rassurés« .
Une responsabilité et un symbole
Il voit l’étoilat avant tout comme une « belle responsabilité« , car il s’agit de « représenter la danse française« , mais il est aussi « fier » du symbole.
« Je suis conscient que cela va aider des enfants à se lancer dans la danse« , indique l’artiste, qui a grandi dans le XVIIIe arrondissement de Paris, où il a pris ses premiers cours de danse, au Centre Binet, emboîtant le pas à sa soeur.
Il faut dire que l’Opéra de Paris a une image d’institution prestigieuse, élitiste et fermée aux minorités.
« Aujourd’hui, l’intemporelle beauté de la danse classique en France s’incarne désormais dans la puissance et la grâce des corps d’ébène. »
Repéré par l’ex-directrice Aurélie Dupont alors qu’il est à l’échelon le plus bas de la troupe, il est sous le choc quand elle le distribue en 2021 dans le rôle principal de « Roméo et Juliette » pour remplacer une étoile blessée.
« À 21 ans, je devais répéter un ballet en trois actes en une semaine. Ce n’est pas évident. J’avais des journées de malade, j’ai travaillé de 10H00 à 19H00. Il fallait prouver que j’étais à la hauteur et que, si j’étais distribué sur ces rôles, c’était aussi parce que je le méritais« , souligne-t-il.
En moins de deux ans, il danse plusieurs grands rôles du répertoire, dont « Le Lac des Cygnes » ou « La Bayadère« , un ballet pour lequel il a eu juste trois jours pour se préparer, avec comme partenaire la « reine » de la compagnie, Dorothée Gilbert.
« De grosses fesses et les pieds plats »
À chaque fois, il étonne par son charisme, ses lignes élégantes et ses sauts. Au récent gala dédié à Patrick Dupond, sa virtuosité explose, malgré le trac. « Il y avait toutes les anciennes étoiles dont j’avais vu les vidéos 12.000 fois sur YouTube !« , rit-il. Parmi elles, ses modèles, Nicolas Le Riche et Laurent Hilaire.
Ayant commencé le classique à 8 ans, il intègre l’Ecole de danse de l’Opéra, malgré les réserves de ses parents. En plus, « on me disait: +Il n’y a pas de Noirs à l’Opéra+, +tu ne seras pas pris parce que t’es Noir+ ou encore que j’avais de grosses fesses et les pieds plats, les clichés sur les personnes noires, quoi« .
Une fois dans le cocon de l’Ecole, ces commentaires ne l’atteignent plus. À l’adolescence, le jeune homme, qui veut être médecin, se pose des questions. A l’Opéra, il y a eu Jean-Marie Didière et Raphaëlle Delaunay mais il ne les avait jamais vu danser. Il part faire un stage à New York dans l’école d’Alvin Ailey, composée notamment d’Afro-Américains.
Admis à l’Opéra à 18 ans, il accède en cinq ans, à 23 ans, au titre suprême. « Etre nommé jeune est une chance car je vais pouvoir grandir dans ces rôles et travailler plus sereinement« .
(c) Neoquébec (avec l’AFP) – Mars 2023