Jahneration

JAHNERATION : DU ROCK AU REGGAE, UN PARI RÉUSSI

C’est un Ministère en feu qui a accueilli Jahneration, le duo reggae du moment, qui en était à sa toute première visite dans la métropole.  » Ça fait des années qu’on veut venir à Montréal. On était censés venir en 2020, puis en 2021. On devait commencer à travailler le territoire. Le COVID nous a un peu coupé l’herbe sous les pieds « , dit Théo, l’un des deux chanteurs.

Jahneration, c’est avant tout deux amis de collège qui, à l’âge de 14 ans, décident de commencer leur aventure musicale lorsque leurs groupes de rock respectifs s’arrêtent. Ils choisissent alors de troquer le rock pour le reggae, la musique qui les fait vibrer à ce moment, and the rest is history comme on dit.

Avec un anglais impeccable, c’est surtout le patois de l’uptown de Kingston qui surprend à prime abord. D’ailleurs, Theo et Ogach, les deux chanteurs du groupe, en sont à leur troisième séjour sur l’île où ils font des collaborations avec de grands noms du reggae.

Questionnés sur l’accueil qui leur est réservé lors de leurs multiples voyages en Jamaïque :  » Ils sont assez reconnaissants, assez intrigués, et ensuite ils nous disent : ‘‘Faites pas comme les autres Blancs, qui viennent nous prendre notre culture, qui la ramène en Europe et qui restent en Europe’’. On peut prendre de la Jamaïque mais il faut aussi lui redonner dans un sens ou dans un autre. Faut y retourner.  »

Tant dans leur processus de création que sur scène, ces deux artistes sont parfaitement complémentaires.  » Les bases partent de chez nous, et après on les retravaille avec le groupe. Pour les paroles, chacun écrit ses parties et de temps en temps, on s’aide si on a besoin d’inspiration sur une partie. On se prête des parties. On a trouvé notre bonne façon de fonctionner depuis des années. » Idem sur scène. À aucun moment, on n’a l’impression que l’un fait de l’ombre à l’autre, bien au contraire. Leurs voix s’entremêlent de manière authentique, tout comme leur présence sur scène, dans leur univers unique mélangeant reggae, rock et hip hop.

C’est d’ailleurs avec le titre Danger, que la formation est entrée sur scène devant un public déjà séduit. Accompagnés de quatre musiciens, tous débordant d’énergie, c’est sans doute le guitariste Jawad Oumama qui a volé la vedette ce soir-là, notamment lorsqu’il prenait sa guitare pour un fusil et ses solos de guitare. Le batteur John Boom en a également mis plein la vue au public déchainé, utilisant son instrument pour  » jauger l’intensité de la salle par moments « .

 » Le plus important, c’est de pouvoir traverser l’Atlantique, et de venir vous voir ! Pas de faire un Hit song « , un de leurs titres, dit Ogach en s’adressant à la salle bondée.  » Malgré les deux années de pandémie, il a fallu redonner envie aux gens de retourner aux concerts. Au début, la courbe était exponentielle, il n’y avait pas grand monde dans les festivals, et à la fin de l’été (2022) c’était reparti « , me partage-t-il lors de notre entrevue quelques heures avant le spectacle.

Pour cette première montréalaise, le duo n’a pas fait les choses à moitié. En plus des quatre musiciens, six techniciens faisaient partie de la délégation, pour s’assurer de livrer un show de qualité.  » Il faut qu’on montre toute l’ampleur du projet. Ça résume mieux le projet. On a beaucoup tourné avec les musiciens. On a un ADN qui est plus vivant, live.  »

Durant la pandémie, Jahneration n’a pas chômé. Bien au contraire, ils ont conçu Higher, leur troisième opus !  » Higher se rapproche plutôt du premier album, mais en mieux composé, en mieux maitrisé, ça sonne mieux, c’est mieux écrit. C’est un album qui est plus mûr et qui ressemble plus à l’ADN de Jahneration, qui est le reggae.  »

Malgré une place importante du reggae en France et les nombreux festivals sur le territoire, la formation remarque toutefois un déclin ces dernières années alors que le reggae continue d’avoir une mauvaise réputation, selon Théo.  » Il y a beaucoup d’amateurisme dans le reggae et donc les choses ne sont pas particulièrement bien faites. Mais ce décalage est intéressant, parce qu’en live justement il y a une grande offre de festivals, mais dans les médias c’est sous-représenté ou non représenté.  »

On ne pouvait pas terminer l’entrevue sans parler de leur concert à l’Olympia en mars 2022. Après deux reports de date, le duo a finalement vécu l’expérience l’année dernière, à cette période.  » On aurait fait l’Olympia en 2020, on n’aurait pas été prêts mentalement parce qu’on était dans le rush de début de carrière. On montait, on montait. Et le fait de l’attendre vraiment, ça nous a fait l’apprécier d’autant plus. Quand on est arrivés à l’Olympia, on s’est dit : on le mérite !  »

Ce fut donc un pari réussi que ce premier concert à Montréal, mais mon petit doigt me dit qu’il y en aura plusieurs autres. Le public, âgé entre vingt et cinquante ans, a clairement été charmé par ce duo explosif. Cela dit, les Francofolies seraient probablement un meilleur cadre pour leur prochain séjour au pays, puisque le lien entre leur musique et les Productions Nuits d’Afrique était plus difficile à saisir.

 

(c) Sandra Gasana – Neoquébec – Mars 2023

 

 

 

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