Le 3 mai dernier, le gouvernement du Québec a annoncé la mise en place d’un nouveau programme de bourses et de formation qui s’adresse aux membres des minorités visibles et ethniques. (1). Une décision prise en concertation avec le Secrétariat aux emplois supérieurs et le Bureau de coordination de la lutte contre le racisme, et avec la collaboration du Collège des administrateurs de sociétés.
L’objectif de cette initiative est double :
- l’élargissement du bassin de candidatures formées en gouvernance des sociétés d’État,
- la consolidation de la représentativité des membres des minorités visibles et ethniques au sein des conseils d’administration de ces organisations.
Doté de 300 000 $, sur trois ans (100 000 $ / an), ce nouveau programme – dont on ne connaitra les détails qu’à la fin de l’été – est supposé donner accès aux personnes sélectionnées au seul programme de certification universitaire en gouvernance de sociétés au Québec.
En 2021, une étude de l’Institut sur la gouvernance d’organisations publiques et privées (IGOPP), a démontré que 29,43 % des CA de sociétés publiques étaient composés de femmes alors que seulement 4,47 % l’étaient par des administrateurs issus de minorités visibles. L’étude de l’IGOPP préconisait donc la fixation d’une obligation, d’une cible et d’une échéance, qui aurait pour effet d’accélérer le changement des pratiques de recrutement et de désignation des membres de CA.
Pour Shahad Salman, (avocate – co-fondatrice de l’agence Uena), l’initiative gouvernementale n’est pas nouvelle, mais en plus lui parait insuffisante : » On observe les différentes initiatives qui visent à combler le manque de diversité au niveau de la représentation. On comprend l’intention, par contre aujourd’hui ce genre de pratique, qui ne sont d’ailleurs pas nouvelles, ne comblent qu’en surface l’enjeu. On recommande des pratiques qui visent plutôt à faire évoluer les façons de faire dans le processus de sélection, le choix des compétences, l’organisation de ce genre de concours, la communication de ce genre de programme etc, afin de réellement palier sur le long terme au manque de représentation sous toutes ses formes. ».
Qu’est-ce que le projet de loi n.4 ?
Moins de quinze jours après la première annonce, le gouvernement Legault fait un pas de plus en déposant ce jeudi 12 mai 2022 un amendement au projet de loi no 4. Il vise à assurer la présence d’au moins un membre représentatif de la diversité de la société québécoise au sein de chaque conseil d’administration des sociétés d’État.
» Le projet de loi no 4 vise à fournir aux sociétés d’État un cadre de gouvernance adapté aux réalités d’aujourd’hui, et misant sur l’efficacité et la transparence. Une plus grande diversité, au sein de leurs conseils d’administration pourra contribuer à l’atteinte de cet objectif, tout en renforçant la confiance des citoyens envers nos institutions publiques « dit Eric Girard, ministre des Finances.
Rappelons que de nombreux organismes et autres parties prenantes se sont penchées sur cette question. C’est le cas, notamment de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM) ou encore de Concertation Montréal, qui ont mis sur pied des formations, des programmes, des activités et même une banque de candidats aux profils diversifiés, afin d’aider les entreprises à passer des engagements et de la parole aux actes et donc à atteindre une véritable diversité.
Une recommandation du GACR (Groupe d’action contre le racisme)
En proposant cet amendement, il s’agit pour le gouvernement du Québec de répondre à un engagement qui découle des recommandations du Groupe d’action contre le racisme, dont l’action no 8 et qui vise à » garantir la présence d’au moins un membre provenant d’une minorité visible au sein de la majorité des conseils d’administration des sociétés d’État d’ici cinq ans « .
Pour autant, doit-on crier victoire pour cette décision du gouvernement Legault ? Martine St-Victor (stratège en communication – Directrice générale Edelman Montréal / Chroniqueuse) ne va pas jusque là, mais estime que c’est un pas important, parce qu’il y a une reconnaissance « implicite » que tout n’était pas fair jusqu’ici : » …ce programme pourra rééquilibrer certaines choses. Pour moi, voilà une reconnaissance que les opportunités n’étaient pas les mêmes pour tous – à compétences égales. C’est une reconnaissance que le système n’était pas égal pour tous. Ce programme ajoutera des sièges à la table, pour ceux qui en auront les compétences nécessaires, sans en enlever. L’inclusion, c’est ça.« .
Campagne électorale
Il y a encore quelques années, en 2018, cela ne semblait même pas envisageable, si l’on se réfère à la position du gouvernement libéral. Dominique Anglade, qui était à ce moment vice-première ministre et ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation au sein du gouvernement Couillard, déclarait alors » Je ne sais pas si on est rendu à passer une loi » (2). Aujourd’hui, c’est chose faite !
Il est à parier que cette annonce du gouvernement, et celles du même acabit, serviront de paravent à la Coalition Avenir Québec, pendant la prochaine campagne, face à son refus de reconnaître l’existence de racisme systémique au Québec.
Infos + : Agence Uena : https://agenceuena.com/fr/ – Agence Edelman : https://www.edelman.ca/fr/offices/montreal
(c) Cyrille Ekwalla – mai 2022
Il s’agit d’une belle avancée! Il faut donner du crédit et reconnaître cet effort du gouvernement du Québec à passer de la parole aux actes, afin de se donner les moyens d’aboutir à une réelle inclusion, tant il est plus que temps que Le Québec s’appuie sur la force et les talents qui composent sa diversité pour se distinguer encore plus.
Il reste à présent, à s’assurer que les dispositions de la loi dont les détails sont à venir, assurent une réelle mobilisation des talents dans les différentes communautés, et un encadrement d’application adéquat du processus de sélection et de nomination.
C’est le gage que la fin va justifier les moyens !
Tabita Rachel Tonye