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TIKEN JAH FAKOLY électrise la foule aux Nuits d’Afrique

C’est muni d’une canne en bois ondulée, tel un vieux sage, et vêtu d’une tunique blanche en bogolan avec la carte de l’Afrique en motifs, que Tiken Jah Fakoly est apparu sur scène, laissant ses musiciens prendre le lead lors de la première chanson du concert. En effet, ce sont ses huit musiciens et ses deux choristes qui ont ouvert le bal devant une salle en furie qui attendait impatiemment celui qui dit aimer Montréal, parce qu’ici « nous sommes fyah « .

Après une absence de deux ans sur les scènes montréalaises due à la COVID, le reggae-man chouchou des Québécois était visiblement content de retrouver son public, et ce dernier le lui a bien rendu.

« Le grand paradoxe de l’Afrique, c’est que c’est le continent le plus riche du monde, avec la population la plus pauvre. personne ne viendra changer l’Afrique à notre place ».

Malgré une barbe de plus en plus en blanche qui peut sous-entendre que le grand nom du reggae africain a pris un coup de vieux, c’est lorsqu’il saute et fait ses coups de pieds dans l’air, que nous nous détrompons très vite : son énergie sur scène, elle, est restée égale à elle-même.

Débutant par des chansons en français, incluant le classique « Ça va faire mal », il bifurque très vite vers l’anglais avec « Discrimination », suivie de « African wants to be free », dans lesquelles il donne la place à ses musiciens pour des solos, soit à la guitare ou au saxophone. Vient ensuite une chanson en bambara, dans laquelle il y mêle du français, notamment en parlant de « ministres et de députés qui doivent travailler « .

« Le grand paradoxe de l’Afrique, c’est que c’est le continent le plus riche du monde, avec la population la plus pauvre« , affirme-t-il en plein milieu de la chanson. Ces interactions avec le public, il en fait à plusieurs reprises, ajoutant également que « personne ne viendra changer l’Afrique à notre place !  »

Il revient notamment sur le paradoxe lors de la chanson « Ça vole », suivie par la chanson « Sundjata » durant laquelle l’artiste s’adresse à nouveau à son public : « Connaissez-vous le grand empereur Sundjata ? » Et la foule de répondre en hurlant.

« Montréal, est-ce que vous êtes chaud ? « , demande-t-il juste avant d’entonner la chanson qui porte en fait sur le réchauffement climatique.

Jusque-là, les plus grands classiques de la grande star ivoirienne manquaient à l’appel. Et ce n’est que lors de la deuxième partie du concert, qui est en fait un rappel aux allures de medley de tous ses hits que la foule a réellement perdu la tête.

Après un rapide changement de tenue, le voici de retour sur scène avec Le balayeur , Quitte le pouvoir , On en a marreOuvrez les frontières , Françafrique… entre autres.

« Pourquoi est-ce que nos amis (sous-entendus les Blancs) peuvent venir chez nous quand ils veulent, comme ils veulent, pour faire ce qu’ils veulent, et nous, quand on veut aller chez nos amis, on nous demande des visas, pourquoi tu vas là, comment, où ? « 

Contrairement aux concerts de Tiken Jah d’il y a dix ans, avec un public majoritairement blanc, cette fois-ci, c’était clairement un mix générationnel, de nationalités, de genre qui composait la salle de concert.

Bruno, de Laval, me confiait qu’il a découvert Tiken Jah Fakoly il y a environ un an, durant la pandémie. Il est tombé sur lui par hasard et ça a été un coup de foudre instantané. Quelle n’a pas été sa surprise lorsqu’il a vu qu’il venait en concert pour les Nuits d’Afrique.  » Je me suis dit que j’allais pas manquer ce show. Il m’a ouvert les yeux sur des réalités de l’Afrique que j’ignorais.« . C’est aussi ça la musique, son pouvoir éducatif, son pouvoir de conscientisation et bien entendu sa faculté de nous défouler.  » J’ai écouté sa musique en boucle depuis 24h, histoire de me mettre dans le bain pour le concert « , me partageait Bruno avant le début du concert. Était-il satisfait du résultat ? Je n’ai pas eu l’occasion de lui demander, l’ayant perdu de vue dans la marée humaine du M telus.

Addendum:

Lors d’une cérémonie qui a eu lieu à l’hôtel de ville de Montréal, le lendemain de son concert, Tiken Jah Fakoly s’est vu décerné, le Prix Nuits d’Afrique pour la Francophonie 2022 par le Festival International Nuits d’Afrique. « Je suis très honoré de recevoir le Prix Nuits d’Afrique pour la Francophonie. Chaque fois que je reçois un prix, je me sens soutenu dans le combat difficile que je mène depuis 25 ans. Merci au Festival International Nuits d’Afrique, ambassadeur de l’Afrique au Canada. »  a déclaré l’artiste en recevant sa récompense.

Lors de cette cérémonie, l’écrivain-académicien Dany Laferrière est venu dire quelques mots pour souligner l’engagement sans relâche de l’artiste qu’il a qualifié au passage de poète. La chanteuse et griotte malienne Djely Tapa, accompagnée à la kora par Diely Mori Tounkara, est venue rendre un vibrant hommage à l’artiste dans la pure tradition mandingue, en chantant les louanges de toute la descendance des Fakoly dans l’empire mandingue.

Depuis 2016, le Prix Nuits D’Afrique pour la Francophonie a été décerné à Manu Dibango (2016), Amadou et Mariam (2017), Sékouba Bambino (2018) et à Salif Keita (2019).

(c) Sandra Gasana – Neoquébec – Juillet 2022

 

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